Traitement endovasculaire en oncologie digestive : le temps de l’ambulatoire

24/09/2022
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Jules Grégory (1), Christophe Aubé (2), Maxime Ronot (1)
(1) Hôpital Beaujon, Clichy, (2) CHU Angers

Les traitements endovasculaires en oncologie digestive sont classiquement réalisés sous anesthésie locale, au cours d’une hospitalisation conventionnelle (48 à 72h). Ce type de prise en charge est lié à la structuration historique des soins, mais surtout aux contraintes et possibles complications liées à ces interventions. Celles-ci peuvent tout d’abord être locales, liées à l’abord artériel habituellement réalisé par l’artère fémorale (hématome, dissection), mais indépendantes du type de traitement réalisé. Lorsqu’elles surviennent, elles peuvent alors retarder la reprise de la marche. Elles peuvent aussi être plus directement liées au traitement lui-même (par exemple le syndrome post-embolisation ou l’altération de la fonction hépatique après les embolisations du foie).

Néanmoins, chez certains patients une prise en charge ambulatoire peut désormais être mise en place, avec pour objectif d’améliorer le confort et la qualité de vie des patients tout en maintenant le plus haut niveau d’exigence thérapeutique. Plusieurs facteurs liés à l’évolution de l’organisation des interventions d’oncologie interventionnelle abdominale rendent ces parcours possibles :

1) Tout d’abord, le développement de la voie d’abord artérielle radiale.
Plusieurs essais multicentriques de cardiologie interventionnelle ont démontré qu’un abord artériel radial était associé à un taux de complications vasculaires majeures inférieur à l’abord fémoral. Ceci est lié au caractère superficiel et compressible de l’abord, et au guidage échographique systématique. Pour les Interventions de radiologie interventionnelle abdominale, comme la chimioembolisation et la radioembolisation hépatique, plusieurs études observationnelles ont rapporté un taux de succès technique similaire pour les voies radiale et fémorale, mais une durée d’hospitalisation plus courte pour l’abord radial (Figure 1). En effet, la voie d’abord artérielle fémorale classique requiert le plus une hospitalisation complète ou au minimum 6h d’immobilisation en cas d’utilisation d’un dispositif occlusif. A l’inverse, la voie d’abord artérielle radiale rend plus facile une hospitalisation de jour. Enfin, plusieurs essais monocentriques, portant notamment sur la radioembolisation, ont rapporté une très forte préférence des patients pour la voie radiale.

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Chimioembolisation d’un carcinome hépatocellulaire

Figure 1 : Exemple de chimioembolisation d’un carcinome hépatocellulaire réalisée par voie radiale gauche chez une femme de 92 ans porteuse d’un Pacemaker. Le scanner pré-intervention montre une tumeur du segment 8, hyper-rehaussée au temps artérielle (a) avec lavage (b). Après ponction échoguidée de l’artère radiale distale gauche (c), le tronc coeliaque est cathétérisé (d). Une chimioembolisation sélective est réalisée (lipiodol et idarubicine). La patiente est hospitalisée une nuit, les suites sont simples. Le scanner de contrôle réalisé un mois après l’intervention montre une réponse complète (e).

2) Ensuite, la technique des traitements endovasculaires a évolué vers une plus grande sélectivité vasculaire, grâce à des innovations technologiques comme l’imagerie par faisceau coniques (cone beam), l’amélioration du matériel (microcathéters dédiés, nouveaux matériaux), et l’utilisation d’environnements logiciels d’aide au guidage et à la plannification. Tout ceci permet de réaliser des interventions très efficace en épargnant plus de parenchyme sains (moindre altération de la fonction hépatique), et d’obtenir un meilleur profil de tolérance. C’est par exemple avec la radioembolisation hépatique, dont le ciblage et l’optimisation des doses délivrées au parenchyme sain a permis de limiter la toxicité sur la fonction hépatique.

3) Enfin, et c’est important, le développement de structures et l’organisation de soins ambulatoire dans la majorité des établissements de soins est rendu possible par une série d’initiatives coordonnées (structures dédiées, infirmières de rappel, soins à domicile, filière de réadmissions priorisées, etc.).

Il parait donc réaliste de proposer aux patients pour lesquels le taux de complications attendu est faible une prise en charge ambulatoire pour les interventions endovasculaires oncologiques abdominales. C’est garantir une prise en charge d’excellence qui prenne en compte, aussi, le confort et l’expérience des patients. On sait combien la qualité de vie est un enjeu majeur pour les patients atteints de cancer. Dont acte.