Les pratiques avancées MER, où en est-on ?

29/09/2022
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Fabien VOIX, Past Président AFPPE

Créées par l’article 119 - LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (1), les pratiques avancées sont devenues réalité pour la profession infirmière depuis maintenant 2 ans.

En ce qui concerne les manipulateurs d’électroradiologie médicale (MER), le dispositif peine à démarrer en lien avec plusieurs problématiques :

La démographie :

Le premier frein au développement des pratiques avancées, ou la première excuse pour ne pas agir, est la pénurie de manipulateurs qui entrave la possibilité de positionner des professionnels sur des pratiques nouvelles aux côtés des médecins radiologues, des radiothérapeutes et des médecins nucléaires.

En effet, le nombre de postes vacants est si important, avec pour conséquences des fermetures d’équipements dans beaucoup d’établissements, que les responsables des services n’envisagent pas à ce jour d’accompagner les professionnels sur des organisations nouvelles élargissant le champ de compétences de MER. Pour autant, ce n’est pas parce que nous sommes en difficultés qu’il ne faut pas prévoir l’avenir.

Le manque d’expérimentations :

Le deuxième frein est l’absence ou la quasi absence d’expérimentations visant à faire pratiquer aux MER des activités les plaçant en situation de pratique avancée. En effet, pour être considéré dans un exercice de pratique avancée, un paramédical doit intervenir sur le champ du diagnostic ou de la prescription médicale.

A ce jour, aucun protocole de coopération concernant les MER ne va sur ces deux notions de pratique.

Les protocoles de coopération en échographie, bien que très répandus, autorisent les MER à réaliser le recueil du signal en écho mais ne prévoient pas la réalisation du compte-rendu donc l’intervention du MER sur ce champ. Malgré les retours nombreux des manipulateurs exerçant dans ce domaine, qui déclarent réaliser les pré-comptes-rendus voire certains comptes-rendus en parfaite autonomie, cette pratique n’est ni officielle, ni l’objet d’une évaluation pour en garantir la pertinence.

Les autorités et la communauté médicale sont donc très frileuses pour reconnaitre cette expérimentation comme la base d’une pratique avancée.

Ce point est un élément majeur, car si l’on fait le parallèle avec la mise en place des IPA, les missions confiées aux IPA ont pour la plupart été évaluées à partir de protocoles de coopération qui visaient à faire prendre en charge par l’infirmière des patients dans leur parcours de soins pour des pathologies chroniques, en oncologie, aux urgences, etc.

La frilosité des acteurs :

Le dernier frein au développement des pratiques avancées est la crainte des acteurs à s’engager dans cette voie. Pour le ministère, le manque d’expérimentations rend fébrile les interlocuteurs du CNPMEM lorsque ce sujet est évoqué avec la DGOS.

Dans le cadre des journées RAD (2), un atelier s’est tenu pour envisager avec les médecins les possibilités de mise en place de pratiques avancées pour les MER. Malgré une réelle volonté de acteurs présents de s’engager dans la démarche, de nombreuses craintes ont été soulevées en matière de responsabilité et de ligne rouge à ne pas dépasser, cette ligne rouge étant pour certains qu’il n’est pas envisageable que les manipulateurs aillent sur le champ du diagnostic. Comme les problèmes de prise en charge en imagerie ne résident pas sur la prescription, quoiqu’il faudra être attentif aux demandes d’examens formulées par nos collègues IPA, il restera peu, pour ne pas dire pas, de place à la pratique avancée des MER si ces derniers ne sont pas autorisés à aider les médecins sur le champ du diagnostic, que ce soit pour la radiographie des traumatismes isolés des membres, de la sénologie dans le cadre du dépistage du cancer du sein ou encore pour certains actes d’échographie.

Tous ces freins ne doivent cependant pas anéantir la détermination des acteurs, médecins et manipulateurs, qui voient à travers les pratiques avancées l’opportunité d’améliorer l’offre de soins en imagerie, en accompagnant la transformation des modalités de pratique professionnelle des acteurs. La pratique avancée des manipulateurs peut en effet permettre de recentrer les médecins sur des activités à haute valeur ajoutée, tout en proposant aux manipulateurs désirant s’impliquer et évoluer professionnellement la possibilité « d’upgrader » leur pratique au service des patients, améliorant par la même l’attractivité de la profession.

 

1. LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé JORF n°0022 du 27 janvier 2016

2. RAD : Radiologie aujourd’hui et demain, Nîmes les 20 et 21 juin 2022