La pénurie de manipulateurs, un problème mondial

01/10/2022
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Philippe GERSON,

Responsable de la commission AFPPE Relations internationales

Trésorier de l’ISRRT (International Society of Radiographers and Radiological Technologists)

 

On le sentait venir depuis de nombreuses années, mais le problème est là et il perdure. Le manque de manipulateurs d’électroradiologie médicale (MERM) est un problème crucial, dont l’AFPPE est bien consciente et a alerté les autorités compétentes depuis de nombreuses années. Mais ce problème n’est pas simplement français ou européen, mais mondial.

En tant que trésorier de l’ISRRT, association mondiale des MERM, j’ai pu, avec mon collègue Alain Cromp en charge de la communication de cette même association, contacter nos collègues des cinq continents afin d’avoir une vue mondiale du problème.

Alain Cromp montrera, lors de son intervention aux JFR, que la situation ne s’améliore pas et qu’elle est sensiblement différente en fonction des pays. En effet, par exemple aux USA, Canada, Australie, Nouvelle Zélande, il existe des professionnels spécialisés en fonction des domaines de compétences et de formation (MERM en échographie, en IRM, TDM, radiologie interventionnelle, médecine nucléaire, radiothérapie). Seules l’Irlande et la France ont des diplômes qui couvrent l’ensembles des spécialités de l’imagerie et du traitement (imagerie, médecine nucléaire, radiothérapie). L’ISRRT, qui compte plus de 90 pays membres et représente 500 000 MERM, en a bien conscience car ce phénomène est également présent au Vietnam ou en Côte d’Ivoire…

Mais pourquoi ce phénomène est-il apparu et perdure dans le monde entier ? Il y a plusieurs raisons :

1- Le manque d’intérêt pour les professions de santé 

Même si avec la COVID elles ont été mises en avant, elles ont aussi rappelé aux éventuels candidats qu’elles présentaient des inconvénients, comme les horaires décalés, le travail le week-end, le contact avec la maladie et la souffrance…

2- Le manque de perspective de carrière

Il est reproché à la France de ne pas avoir de master et doctorat en radiologie pour les MERM comme dans d’autres pays du monde. Il est vrai que beaucoup d’étudiants font les 3 ans d’études et s’orientent ensuite vers un master dans une autre spécialité, telles que la radioprotection. Mais au Royaume-Uni, en Italie, en Australie et bien d’autres pays où il y a une forte universitarisation de la profession de MERM, il y existe aussi et toujours un manque de professionnels .

3- L’augmentation du nombre des équipements d’imagerie et de traitement

C’est à mon avis l’une des causes essentielles, car elle fait suite au vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques.

Il y a 30 ans, le patient qui arrivaient aux urgences avec une douleur abdominale, voyait un médecin qui "palpait" et demandait un ASP (debout + couché + coupoles). Aujourd‘hui, il est directement pris en charge au scanner ou à l’échographie, et c’est tant mieux. C’est aussi une demande des patients, car l’imagerie est devenue le principal outil diagnostique des prescripteurs. Mais plus de demandes d’examens nécessitent davantage de MERM pour les réaliser et de radiologues pour lire les images, même si l’intelligence artificielle est là pour aider les praticiens et non pour les remplacer.

Prenons l’exemple du Vietnam, où je suis allé en 1999 afin d’organiser avec le CERF (Collège des enseignants de radiologie de France) des formations pour les MERM. Il y avait alors peu de manipulatrices car les écoles n’ouvraient pas leurs portes aux femmes par soucis de radioprotection. Il y avait peu de TDM et quelques IRM. J’y suis retourné plusieurs fois depuis, et j’ai pu constater l’augmentation des équipements donc des professionnels, et bien entendu une ouverture de la profession aux femmes. Aujourd’hui, avec un taux de croissance à 2 chiffres, le Vietnam n’est plus un pays en voie de développement, mais est également confronté maintenant au problème de démographie des manipulateurs.

En conséquence, cette pénurie est en route… Il faudra un certain nombre d’années pour la résoudre et peut-être de nouvelles actions concernant la justification des actes, les formations des professionnels. Mais s’il peut être évoqué les salaires, cette composante ne constitue pas, à mon avis, la seule solution au problème !