l’IRM en psychiatrie : une imagerie d’avenir !

27/09/2022
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Marjorie Mateos1, Riyad Hanafi1, Sidney Krystal1,2,3, Jean-Pierre Pruvo1

1 Service de neuroradiologie, CHU Lille, Lille, France
2 Service de neuroradiologie diagnostique, Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris, France
3 Neurospin, CEA Paris-Saclay, Gif-sur-Yvette, France 

 

Par leur fréquence, les troubles psychiatriques représentent un véritable enjeu de santé publique. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’une personne sur 8 est concernée au cours de sa vie par un trouble psychiatrique. Son diagnostic se définit par des critères séméiologiques, fonctionnels, temporels et par l’absence de diagnostic différentiel. Le diagnostic de trouble psychiatrique ne peut donc être posé qu’après avoir éliminé une large gamme de pathologies neurologiques susceptibles d’entrainer des symptômes psychiatriques et l’imagerie joue en ce sens un rôle majeur. C’est en pratique aujourd’hui l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) qui est la référence dans l’exploration des troubles psychiatriques.

De plus, l’introduction de l’IRM dans la recherche en santé mentale a donné une impulsion considérable à la psychiatrie en offrant de nouveaux modèles de compréhension des maladies mentales ainsi que des innovations thérapeutiques (thérapies guidées par l’image). 

L’IRM devrait donc dans les prochaines années, non pas simplement éliminer les diagnostics différentiels, mais aider à̀ poser un diagnostic positif et accompagner le suivi personnalisé du patient.

 

Diagnostic différentiel

De nombreuses pathologies (tumorales, auto-immunes, vasculaires, métaboliques, infectieuses…) peuvent se manifester par une symptomatologie psychiatrique. L’IRM permet de rechercher une grande majorité de ces diagnostics différentiels, et de servir d’imagerie de référence dans le suivi de ces pathologies.

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Figure 1. Femme de 32 ans présentant des troubles thymiques atypiques d’apparition rapide en 2 jours. Hypersignaux FLAIR temporo-insulaires et hippocampiques droits avec remaniements hémorragiques visibles en hyposignal sur la séquence de susceptibilité magnétique, et prises de contraste après injection de Gadolinium, s’intégrant dans le cadre d’une encéphalite herpétique.

 

Imagerie avancée

Il est désormais démontré qu’il existe de nombreuses altérations structurelles et fonctionnelles dans les pathologies psychiatriques.

L’analyse du volume cortical sur des séquences 3D T1 a permis de montrer une diminution du volume de la substance grise dans le système limbique. Ces analyses volumétriques s’appuient de plus en plus sur des reconstructions automatiques basées sur des algorithmes d’intelligence artificielle.

La connectivité structurelle peut par ailleurs être évaluée par la tractographie grâce à l'imagerie du tenseur de diffusion (DTI). A titre d’exemple, les études DTI du tractus du faisceau unciné, reliant l'amygdale aux cortex frontal médial et orbito-frontal, ont montré une diminution de la fraction d’anisotropie chez les patients schizophrènes.

Cette notion de connectivité peut être mieux appréciée grâce à l’IRM fonctionnelle.

L’IRM fonctionnelle de repos (IRMfr) permet d’analyser les modifications de connectivité fonctionnelle cérébrale. Cette IRM repose sur l’analyse au sein de différentes régions cérébrales du signal BOLD (Blood Oxygen Level Dependent) au cours du temps, lequel dépend de la variation de concentration locale de désoxyhémoglobine. Cette concentration fluctue en fonction de l’activation de la région cérébrale étudiée. Ainsi, l’IRMfr recueille des séries temporelles de ce signal en différents points du cerveau. Il est ensuite possible de corréler ces séries temporelles entre différentes régions d’intérêt, pour apprécier la force de leur connectivité. 

Plusieurs études basées sur l’IRMfr dans les maladies psychiatriques ont permis d’objectiver des anomalies de connectivité fonctionnelle spécifiques aux différentes pathologies.

Enfin, l’avènement de l’IRM à ultra-haut champ magnétique (IRM à 7 Tesla) s’avère prometteur et permettra d’obtenir une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques dans les pathologies psychiatriques.

 

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Figure 2. Modifications structurelles de la substance grise chez les patients bipolaires et schizophrènes, représentées sur un modèle encéphalique : régions montrant une diminution du volume de substance grise chez les patients bipolaires comparativement aux sujets sains (jaune), régions montrant une diminution du volume de substance grise chez les patients schizophrènes comparativement aux sujets sains (rouge), régions montrant une augmentation du volume de substance grise chez les patients schizophrènes comparativement aux sujets sains (rose).
Image tirée de l’article de Ellison-Wright et Bullmore (Anatomy of bipolar disorder and schizophrenia : a meta-analysis)

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Figure 3. Perte de la corrélation négative entre le cortex préfrontal médial (mPFC) et le cortex préfrontal dorso-latéral (CPFDL) chez les patients bipolaires (BP) en comparaison avec les sujets contrôles (HS), témoignant d’un découplage entre le réseau en mode par défaut et un réseau d’activation chez ces patients.
Image tirée de l’article de Favre (fMRI evidence for abnormal resting-state functional connectivity in euthymic bipolar patients, Favre et al, Journal of affective disorders, 2014)

Pour en savoir plus :

Séance pédagogique : Imagerie et psychiatrie

JP. Pruvo, A. Attye, N. Menjot De Champfleur, A. Amad, S. Krystal, M. Lefebvre
sam. 08 oct.
11h00 - 12h00
Salle 242